Le football international en 1905
Deuxième Congrès de la Fédération Internationale de Football-Association
D’après le compte rendu que nous trouvons dans Tous les Sports, on a fait beaucoup de besogne à ce congrès, - ce qui lui donne une note d’originalité à laquelle nous applaudissons de tout cœur.
Nous y voyons qu’il y a d’abord nommé M. le baron Ed. de Laveleye, président de l’U.B.S.S.A., membre d’honneur de la fédération.
Ensuite, sur la proposition de M. Schneider, représentant la Suisse, et que nous avons eu le plaisir de voir à Bruxelles à l’occasion du Xème anniversaire de l’Union, les membres du congrès ont décidé la création d’un organe officiel qui serait édité en français et en allemand, et peut-être même en anglais, aux frais de M. Schneider, qui est un apôtre des idées que nous défendons, en même temps qu’un des plus sympathiques sportsmen que nous connaissions. Ce bulletin peut rendre les plus grands services aux fédérations affiliées à la F.I.F.A.
M. Schneider a, en outre, offert un challenge comme prix d’une Coupe Internationale. L’idée est sans doute excellente et nous souhaitons de tout cœur qu’elle aboutisse.
Seulement, telle qu’elle a été réalisée , nous doutons qu’elle soit viable. Les bases du règlement de ce championnat ont été adoptées par le congrès et nous y relevons les articles suivants :
L’Europe est divisée en quatre groupes :
1er groupe : Iles Britanniques
2ème groupe : Espagne, France, Belgique, Pays-Bas ;
3ème groupe : Suisse, Italie, Autriche-Hongrie ;
4ème groupe : Allemagne, Danemark, Suède.
Les matches auront lieu par élimination dans chaque groupe, les pays et les villes étant désignés par le sort, sauf dans le cas de matches entre pays limitrophes, lesquels auront lieu en terrain neutre à moins d’accord entre les intéressés.
Les gagnants de chaque groupe seront qualifiés pour les demi-finales ; les demi-finales et la finale auront lieu dans la même ville durant les fêtes de la Pentecôte ; cette ville sera désignée par le congrès.
Chaque fédération désignera l’équipe qui sera chargée de défendre ses couleurs. Les équipiers devront être nationaux de leur pays d’après les lois des dits pays. Les arbitres devront être neutres.
Les frais de voyage des équipiers sont à la charge de leur fédération respective à moins de conditions spéciales.
Les frais d’organisation sont à la charge de la fédération dans le pays de laquelle le championnat est disputé.
Les bénéfices nets des demi-finales et de la finale sont répartis comme suit : 5 p. c. à la Fédération Internationale ; 10 p. c. à la fédération organisatrice ; 85 p. c. à partager entre les quatre fédérations participant aux demi-finales.
Le congrès charge l’Association Suisse de Football d’organiser le tournoi des demi-finales et finale du championnat international 1906.
Les engagements pour le championnat devront être adressés au secrétariat avant fin août 1905.
Le congrès aura lieu en 1906 en Suisse, pendant les fêtes de la Pentecôte.
Au point de vue belge, les conditions sont loin d’être favorables. En effet, tous ceux qui ont suivi les matches internationaux de la Belgique contre la Hollande d’abord (Coupe Vanden Abeele), contre la France ensuite (Coupe Evence Coppée) ont pu se rendre compte qu’il est impossible de mettre sur pied pour la Pentecôte (qui tombait cette année le 11 juin !) une équipe qui soit dans une forme présentable. La saison de football est virtuellement terminée à ce moment. Faire jouer des finales de matches internationaux qui auraient la prétention de proclamer la suprématie d’un pays d’Europe en matière de football est une véritable utopie. Les résultats en seront évidemmenet faussés.
Voit-on une équipe belge partir au mois de juin pour l’Espagne, dans le but d’y montrer comment on joue le football en Belgique ? Nous nous plaignons de la chaleur, à cette époque, en Belgique. Qu’en penserions-nous en Espagne !
En outre, la création de cette Coupe est la fin :
1° De la Coupe Vanden Abeele ;
2° De la Coupe Evence Coppée ;
3° De la Coupe dont l’Antwerp F.C. voulait doter les rencontres belgo-allemandes ;
4° Peut-être même de la Coupe van der Straten ;
Il serait, en effet, impossible de maintenir ces rencontres, qui ont soulevé tant d’enthousiasme dans notre pays, en même temps que le nouveau Championnat International.
Faut-il lâcher la proie pour l’ombre, et nous lancer dans un inconnu problématique ?
Franchement, il nous semble que le congrès de Paris a été un peu vite en besogne et a décidé de questions importantes pour certaines fédérations avec légèreté et sans leur approbation.
Il paraît que la proposition d’un championnat international émanait du secrétaire général de l’U.B.S.S.A. Nous serions heureux de recevoir de lui une réponse aux objections que nous venons d’y soulever et qu’il nous dise s’il ne craint pas que les Belges, obligés de jouer à cette époque de l’année, ne risquent de compromettre la réputation qu’ils ont acquise en matière de football dans ces dernières années, et qui les classe avant les Français et au moins égaux des Hollandais.
PITT, La Vie Sportive mercredi 28 juin 1905
La FIFA et le football international en 1905 vue par La Vie Sportive
La Vie Sportive est l’organe hebdomadaire de l’Union Belge des Sociétés de Sports Athlétiques (U.B.S.S.A.) fondée en 1895, afin d’organiser principalement la pratique du football et de l’athlétisme et ancêtre de la fédération de football du «plat pays» d’aujourd’hui.
Plus d’un an après l’organisation du premier match international entre la France et la Belgique et la création de la Fédération Internationale de Football Association à Paris, le rédacteur, embrasse sous le pseudonyme anglophile de PITT, les préoccupations des dirigeants d’un football européen encore en gestation. Outre le contrôle des mouvements de joueurs et l’unification du football sous la houlette d’une fédération, le principal vœu des premiers «caciques» du football continental réside ans l’organisation d’un championnat dit «inter-nations». Toutefois, le degré inégal de développement du football, les contraintes climatiques, puisque le football est classé comme un «jeu d’hiver», et les faibles moyens dont disposent fédérations internationale et nationale, rendent encore illusoire la création d’un championnat d’Europe et bien sûr d’une Coupe du Monde de football.
De fait, le football international consistera essentiellement, jusqu’aux Jeux olympiques de Stockholm en 1912, dans des matches amicaux entre équipes et clubs et dans les tournées d’équipes britanniques sur le continent. La réussite du tournoi olympique de football disputé en Suède permettra de former l’embryon de la grande compétition internationale que seront les Jeux d’Anvers (1920), de Paris (1924) et d’Amsterdam (1928), sans oublier la première édition de la Coupe du Monde disputée en Uruguay en 1930.
Paul Dietschy
Université de Franche-Comté