Sport et id?ologie
DIETSCHY Paul, LOUDCHER Jean-François, RENAUD Jean-Nicolas, VIVIER Christian (dir.), Sport et idéologie, 2004.
Si le congrès du Comité Européen de l'Histoire du Sport tenu à Besançon en septembre 2002 avait vocation à revenir sur les liens complexes unissant au sens large le sport, l'éducation physique et les idéologies (principalement) politiques, il a aussi été l'occasion d'envisager le cas du football. Parmi les communications réunies dans le tome II des actes publiés en septembre 2004, on retiendra à ce sujet plusieurs articles explorant les relations contradictoires unissant football et représentations politiques proposés par Fabien Archambault, Xavier Breuil, Paul Dietschy et Antoine Mourat.
Contrairement à certains archétypes véhiculés sans nuances par les contempteurs du football, le ballon rond n'a pas été le sport-roi des régimes autoritaires et totalitaires. Au contraire, son professionnalisme, le comportement anarchique de son public, sa position hégémonique par rapport à des sports (athlétisme, natation ou rugby à XV) plus en phase avec l'allure virile que devait adopter la jeunesse, l'ont rendu suspect aux yeux des régimes fasciste et vichyste. En Italie, si les succès de la squadra azzurra sont bien sûr insérés dans la représentation d'une Italie conquérante et agressive, le campanilisme exacerbé des tifosi , les affaires de corruption entachent l'image de modernité que véhiculent les stades à l'architecture novatrice et les équipes de football telles que la Juventus de Turin. A Vichy, Jean Borotra cherche à réduire l'importance d'un sport professionnel s'insérant mal dans le discours doloriste et moralisateur de la révolution nationale, mais c'est toujours le football et sa tradition de vedettariat remontant à l'avant-guerre qui, malgré quelques corrections, tient le haut du pavé dans les rubriques sportives de la presse censurée des temps de l'Occupation. Après 1945, le Parti Communiste Italien tente lui-aussi de moraliser le calcio par l'entremise de son bras armé dans le champ du sport, l'Union Italienne du Sport Populaire (UISP). Peine perdue : non seulement les valeurs footballistiques de référence restent chez les ouvriers celles du sport professionnel, mais le football amateur s'incarne surtout dans les organisations sportives du parti concurrent : la Démocratie chrétienne.
Au total, quatre études qui vont à rebours des idées reçues et retissent les liens complexes et ambigus unissant le football et les idéologies politiques :
Xavier Breuil, « Vichy et le football », p. 53-61.
Paul Dietschy, « Peut-on parler d'une idéologie du football dans les années trente ? Etude comparative de la France et de l'Italie. », p. 63-73.
Antoine Mourat, « La presse vecteur de l'idéologie sportive de Vichy. Le cas du Doubs 1940-1942 », p. 99-106.
Fabien Archambault, « Communisme et football : les possibilités d'un football populaire dans l'Italie républicaine », p. 109-119.
A lire également (entre autres) dans ce volume :
Dominique Bodin et Stéphane Héas, « Football, hooliganisme et idéologies politiques », p. 329-340.
Yvan Gastaut, « Le Parti communiste et le sport (1964-1981) », p. 129-136.
Patrick Clastres
Centre d'histoire de Sciences Po