Annual Review of the European Football Players Labour Market
Raffaele Poli et Loïc Ravenel, Annual Review of the European Football Players’ Labour Market, Neuchâtel, CIES, 2006.
Cette publication, première dans son genre, analyse la manière dont les équipes des cinq meilleures ligues du Vieux-Continent (Angleterre, Allemagne, Espagne, France, Italie) étaient composées lors de la saison 2005/2006. Les auteurs y proposent une série d’indicateurs statistiques originaux, déclinés en fonction de différents critères (pays, âge, position, zone d’origine, etc.) et présentés sous la forme de graphiques, de classements et de cartes. Elaborés afin de rendre compte du fonctionnement du marché du travail européen des footballeurs sous l’angle des thématiques de la formation, du recrutement international et de la mobilité des joueurs, ces indicateurs, temporellement et spatialement comparables, permettront de suivre d’année en année la manière dont ce marché particulier évolue. Ils peuvent être consultés de manière interactive à travers le site www.eurofootplayers.org.
De cette première édition, il apparaît que, par rapport aux quatre autres ligues prises en compte, la Ligue 1 française est celle qui réunit les plus jeunes footballeurs. Si l’âge moyen des joueurs de Ligue 1 est de 24,4 ans, cette moyenne est de 26 ans dans les ligues anglaises et italienne. C’est là que les footballeurs sont les plus « expérimentés ». Les écarts entre un club et un autre sont parfois très importants. Alors que les joueurs du club le plus « vieux », l’AC Milan, avaient 30,1 ans en moyenne, les joueurs du plus « vieux » club français, Troyes, n’étaient âgés que de 25,9 ans. Et la moyenne d’âge au Stade Rennais était de 23,2 ans, ce qui situait le club breton à la première place européenne selon la jeunesse de l’effectif.
La « fraîcheur » de la Ligue 1 s’explique en grande partie par l’importante présence de joueurs « formés dans le club » au sein des effectifs. Le rapport montre en effet que les clubs français restent très performants en matière de formation. Lors de la saison passée, 40,1% des joueurs de Ligue 1 évoluaient dans le club qui les avaient formés. Cette proportion était bien supérieure à la moyenne européenne (26,8%). Dans le classement des clubs qui ont formé le plus de joueurs présents dans les cinq meilleures ligues européennes, les équipes françaises sont aussi bien positionnées. Nantes (29 joueurs), pointait à la troisième place, juste derrière le Real Madrid (44) et le FC Barcelone (35). Rennes et Nancy, avec 25 joueurs, partageaient la sixième position.
L’attention que les clubs français portent à la formation ne les empêche cependant pas de chercher des joueurs à l’étranger. Bien au contraire, dans le cas de l’Afrique notamment, le recrutement intervient la plupart du temps déjà au niveau des centres de formation. En moyenne, les joueurs africains présents en France ont quitté leur pays à l’âge de 18,6 ans, bien avant leurs collègues d’Europe de l’Est (21,4), d’Amérique latine (22,3) et d’autres pays d’Europe occidentale (22,3).
D’autre part, plusieurs clubs français figurent aux premières places du classement des équipes qui, par rapport au nombre total de joueurs transférés au début ou pendant la saison passée, ont le plus recruté depuis un championnat étranger. En tête de ce ranking spécifique on trouve les Girondins de Bordeaux, avec un taux de recrutement à l’étranger de 87,5%, suivis par le Lille OSC (80%). Pour l’ensemble des clubs de Ligue 1, la proportion de transferts réalisés avec des clubs étrangers se monte à 51,7%, un niveau beaucoup plus élevé que la moyenne européenne (36,3%). A terme, le pourcentage de joueurs étrangers en France, actuellement de 35,4%, pourrait donc s’approcher de celui allemand (41%) ou anglais (55,3%).
Parmi les étrangers présents en France, presque la moitié provient d’Afrique. L’existence de filières de transfert bien établies et la perpétuation des liens dérivant de l’histoire coloniale expliquent la forte présence de joueurs africains dans les clubs de Ligue 1. Les Sénégalais, au nombre de 25, était les plus nombreux, suivis par les Ivoiriens (15) et les Camerounais (11). Si les footballeurs transférés depuis l’Afrique francophone sont concentrés en France, les Scandinaves sont sur-représentés en Angleterre, les joueurs d’Europe de l’Est en Allemagne et les Sud-américains en Espagne et en Italie. Selon toute évidence, chaque pays garde des zones d’influence spécifiques dans lesquelles les clubs nationaux recrutent de manière prioritaire.
Les footballeurs français sont fortement représentés en dehors de l’Hexagone : ils étaient 82 à jouer pour des clubs du premier niveau de compétition allemand, italien, espagnol ou anglais. Seulement les Brésiliens (139) et les Argentins (88) étaient plus nombreux. Le deuxième pays européen le mieux représenté à l’étranger, les Pays-Bas, avait la moitié moins d’expatriés que la France. Le contingent de Français dans les clubs de la Premier League, 46 joueurs, était de loin le plus important.
Le rapport dont sont tirées ces données traite également de la thématique de la mobilité professionnelle des joueurs de football. A ce niveau, la situation observée en France est proche de la moyenne européenne. Les joueurs présents dans l’Hexagone changent de club en moyenne toutes les 3,4 saisons. La proportion de joueurs qui, à l’issue de la saison dernière, avaient joué pour au moins trois saisons dans le club qui les employait était de 33%. Un club se démarquait nettement des autres : l’Olympique de Marseille. Seul 5,6% des joueurs employés lors de la saison passée étaient déjà là trois ans auparavant. Dans cette perspective aussi, l’OM fait figure à part dans le panorama du football français. Et à l’échelle européenne, le club de la Canebière aurait remporté la « palme » du club qui a utilisé le plus grand nombre de joueurs : 39 !
S. Mourlane
Université de Nice