Pratiques sportives et relations interculturelles
We are football association s’est associée Centre d'Information et d'études sur les migrations internationales de Paris pour publier dans la revue Migrations société (vol. 19, n°110, mars-avril 2007) un dossier sur « les pratiques sportives et relations interculturelles ».
Le monde du sport développe de l’ethnicité, du niveau amateur jusqu’aux champions, au milieu professionnel et son public, il engendre un brassage ethnique important. La pratique sportive favorise des situations de rencontres interculturelles à la mesure de son développement au cours du XXe siècle. Concernant le sport le plus populaire de la planète, le titre de l’opuscule de Jules Rimet, ancien président de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), le confirmait en 1954 : « Football et rapprochement des peuples ». On retrouve cette ambition dans la politique actuelle de la FIFA, lancée depuis 2001 dans une politique antiraciste très visible, dont le réseau européen Football Against Racism in Europe (FARE) est l’une des chevilles ouvrières avec pour la France, la LICRA comme organisation de référence.
Face à cette situation, la facilité nous inciterait à considérer qu’effectivement le sport est un moyen d’intégration, mais la réalité est plus nuancée. En 2000, Migrations société avait consacré un dossier au sport (,n°71, septembre-octobre 2000). A l’instar de ce numéro qui employait le terme tombé en désuétude de « médiation interculturelle », beaucoup de travaux partent du postulat que le sport est un moyen d’intégration. Les pouvoirs publics français, les premiers, ont considéré, depuis le milieu des années quatre-vingt, que développer le sport à tous les niveaux permet non seulement de faciliter l’entrée des enfants d’immigrés dans l’espace public et de lutter contre l’insécurité en détournant la jeunesse de la délinquance vers les terrains de sport. Les médias ensuite, n’ont pas manqué de célébrer quelques figures issues de l’immigration ayant acquis une notoriété extraordinaire grâce à leur talent d’athlète, devenant par ce biais des exemples d’intégration réussie.
Mais peut-on en être aussi sur que le sport est une machine à intégrer ? Les détracteurs de la compétition et du spectacle sportif comme Jean-Marie Brohm ou Marc Perelman (Le football, une peste émotionnelle, 2006) vous dirons que non : dans le sport, sont rassemblés tous les avatars du monde capitaliste et du libéralisme sauvage. Plutôt que d’intégrer, il désintègre et atomise l’individu, réveillant en lui les instincts les plus bas exprimés notamment par les foules sportives. Certains faits et indicateurs ne laissent planer aucun doute : le sport suscite violence, racisme et radicalités en tout genre comme le nationalisme ou le régionalisme exacerbé par certaines compétitions.
Concernant la relation entre sport et immigration, il apparaît que poser d’emblée la question de l’intégration apparaît sans fondement heuristique. Rien ne permet de mesurer le rôle effectif des activités physiques sur ce point. En revanche, et c’est l’ambition de ce dossier, il est plus prudent, plus juste de considérer que pratique sportive est créatrice de relations interculturelles sur le terrain comme dans les tribunes : elle donne l’occasion, parfois unique dans certains contextes, de se rencontrer au delà de l’espace communautaire. Dans ce cadre, toute la complexité du rôle du sport dans le fait migratoire peut être restituée : depuis le numéro de 2000, les problématiques se sont développées, affinées et diversifiées. Dans la continuité d’un numéro de la revue de Génériques Migrance en 2003, ce dossier offre quelques exemples de la riche actualité de la recherche en matière de sport et d’immigration où les historiens font une entrée remarquée.
Stéphane Mourlane et Paul Dietschy, fondateurs de We are football association, proposent une réflexion autour du parcours de migrants entre France et Italie en suivant deux figures majeures que sont le cycliste Alfredo Binda et le boxeur Primo Carnera. Autre figure, autre parcours, étudié par Naima Yahi, celle du footballeur Algérien ayant évolué dans le championnat français au tournant des années quatre-vingt, Nourredine Kourichi. En outre, la question coloniale et postcoloniale appliquée au sport est particulièrement pertinente comme le montre l’étude de Manuel Schotté sur les coureurs marocains en France évoquant « la construction d’un espace international de migrations sportives » tandis que Karen Bretin et Carine Erard proposent une analyse de la presse sportive métropolitaine et ses tendances discriminatoires face aux succès d’athlètes d’Outre-Mer après 1945.
Stanislas Frenkiel qui s’attache avec de nouvelles archives à apporter des éléments neufs sur l’histoire des footballeurs du FLN. Autre population, en comparaison, les footballeurs noirs, étudiés par Claude Boli dans une étude historique depuis les années soixante. Dans une approche plus sociologique, William Gasparini s’attache à étudier le rôle des associations sportives turques d’Alsace. Enfin, un retour sur la Coupe du Monde 1998 était indispensable : Yvan Gastaut, président de We are football association, a choisi l’option des réactions politiques, certes éphémères et sans conséquences, mais qui rendent toute sa puissance à cet événement en matière d’immigration dans la société française.
La rédaction