Geopolitique du football
Boniface Pascal, La Terre est ronde comme un ballon. Géopolitique du football, Paris, Le Seuil, 2002, 205 p.
Le football, pour certains, c’est la guerre continuée par d’autres moyens pour d’autres, il est un langage universel: l’illustration de la pacification des relations internationales et de l’amitié entre les peuples. Cet essai, réalisé par un spécialiste de géopolitique, se propose de faire la part des choses entre ces deux visions extrêmes en éclairant l’actualité mais aussi l’histoire du football à la lumière du contexte international. Ainsi, pour l’auteur, «le football est souvent un signe d’évolution géopolitique majeure. [Il] a un véritable impact sur le fonctionnement de la planète.»
Sans aller jusqu’à constituer isolément une cause de tensions internationales, le football peut néanmoins servir de révélateur de tensions existantes car il permet une cristallisation des identités locales ou nationales autour d’une équipe représentative. Il donne en outre une visibilité immédiate à certaines expressions identitaires, notamment lors des évènements ultra médiatisés que sont les rencontres internationales. Aussi, dans la quête d’indépendance d’une nation, une adhésion à la FIFA peut parfois constituer une étape préliminaire vers une reconnaissance internationale ainsi qu’un préalable à une admission à l’ONU. Pour les «petits pays», faire bonne figure au sein du monde du football peut, en certaines occasions, venir pallier le manque de poids sur l’échiquier international.
Le «phénomène football» est également décrit comme le stade ultime de la globalisation, transcendant, à quelques rares exceptions près, clivages nationaux, raciaux, religieux, générationnels et sociaux grâce à la retransmission mondiale des rencontres par la télévision. Pourtant, nuance l’auteur, il est également l’une des rares manifestations de la mondialisation qui échappent à la domination américaine. De plus, il atténuerait dans le même temps les effets les plus déstructurants de cette globalisation en permettant l’expression d’identités locales par le biais de l’identification à une équipe.
On peut sans doute regretter qu’à des analyses géopolitiques fines se mêle de temps à autre une vision quelque peu manichéenne qui voudrait qu’à «l’image de Janus, le football [soit] un dieu à deux faces [pouvant] être la meilleure et la pire des choses.» Ce parti pris, en opposant de manière assez artificielle un «bon» football (amateur?) et un «mauvais» (professionnel et/ou international), conduit parfois l’auteur à se contredire, notamment lorsqu’il affirme que le football est par essence une émanation de l’égalité des chances au sein des démocraties et de l’idéal méritocratique républicain, quelques pages seulement après en avoir décrit les utilisations par les régimes autoritaires européens des années trente ou par les juntes militaires sud-américaines. Néanmoins, malgré ces quelques travers, la richesse de sa documentation fait de cet ouvrage une référence en matière de géopolitique du football. L’écriture est agréable et regorge d’exemples et d’anecdotes pour illustrer le propos de l’auteur. De plus, figure en annexe un inventaire exhaustif des 32 participants à la Coupe du Monde de 2002 présentant conjointement, en un semblant d’application du contenu de l’ouvrage, leur situation sur le plan international et leur pratique du football.
Antoine Mourat
Unviversité de Franche-Comté