Spartak de Moscou
Mario Alessandro CURLETTO, Spartak Mosca. Storie di calcio e potere nell’URSS di Stalin, Genova, Il Melangolo, 2005, 158 p.
Enseignant de Langue et Culture russes à l’Université de Gênes – et supporter du Spartak Moscou –, Mario Alessandro Curletto nous livre ici un ouvrage sur l’une des grandes sociétés sportives de la capitale russe, ce qui n’est pas chose commune ; comme n’est pas chose commune le Spartak, probablement le seul club russe dont les supporters se recrutent hors du cadre moscovite mais également hors de l’espace russe et jusqu’en Israël.
Après avoir brièvement et clairement retracé les débuts du football dans l’empire des Tsars, l’auteur s’attache à la genèse d’un authentique club populaire – dans tous les sens du terme – qui devient peu à peu l’un des éléments incontournables du paysage footballistique moscovite. ? l’époque soviétique, le club apparaît rapidement en raison de ses origines atypiques, bien loin de ce que peuvent être ses deux principaux rivaux le CSKA, le club de l’Armée rouge, et le Dynamo Moscou, celui du ministère de l’Intérieur ; ce qui ne l’empêche pas pour autant de réaliser le doublé coupe-championnat en 1938 et 1939, d’effectuer des tournées en Occident et de donner à l’équipe nationale soviétique ses meilleurs éléments, en particulier son capitaine Alexandre Starostin.
Insensiblement, l’étude de Curletto glisse de l’histoire du Spartak à celle des quatre frères Starostin : Nicolas, Alexandre, Andrej et Piotr qui participèrent à la fondation et à la vie du club pendant toute la période et même après en particulier pour Nicolas. Les trajectoires des quatre frères permettent de faire ressortir les stratégies et les rivalités de pouvoir dans l’URSS de Staline. L’instrumentalisation du football en constitue l’un des aspects devant lequel ne recule pas un homme comme Beria ou, indirectement, le fils du dictateur lui-même. Il n’est dès lors guère surprenant que, en mars 1942, les quatre frères finissent au goulag, pris dans l’engrenage infernal du totalitarisme stalinien du reste fort bien décrit et analysé. Pendant leur captivité, en plusieurs occasions, leur statut de footballeurs ou d’ex-footballeurs, joue en leur faveur comme lorsque Nicolas devient entraîneur d’une équipe disputant le championnat des camps d’internement ; ce qui lui vaut des avantages matériels non négligeables. Ils ressortiront tous vivants et seront réhabilités au début des années 1950.
Au final, un livre intéressant, bien documenté malgré quelques rares erreurs chronologiques de-ci de-là qui peuvent rendre parfois le texte un peu obscur – ainsi l’invasion de l’URSS par les Nazis se situe le 22 juin 1941 et non le 22 avril 1942, ce qui rendrait l’arrestation des frères Starostin difficilement compréhensible – comportant une bibliographie d’une quarantaine de titres en russe, en anglais et en italien.
Didier Rey
Université de Corte