Moacyr Barbosa
Darwin PASTORIN, L'ultima parata di Moacyr Barbosa, Milano, Mondadori, 2005, 92 pages.
C’est autour du gardien de but brésilien Moacyr Barbosa qui eut la malchance d’être l’ultime rempart de la sélection nationale lors de la finale de la Coupe du Monde 1950 – au cours de laquelle l’Uruguay s’imposa à Maracana –, que Pastorin construit son petit ouvrage fait d’une douzaine de récits ayant tous traits, de près ou de loin, à ce funeste 16 juillet ; il dédie par ailleurs son livre à tous les rebelles, rêveurs et fugitifs.
Le titre – La dernière parade de Moacyr Barbosa – aurait de quoi surprendre, puisque Barbosa continua de jouer en club après cette finale mais plus jamais en sélection. Il est frappé à mort ce 16 juillet et la suite de la carrière et de la vie de celui qui fut le premier gardien de but noir de la Seleção, n’est plus qu’une longue descente aux enfers, victime de son vivant d’une véritable damnatio memoriae ; au Mexique en 1993, encore, un responsable de la fédération brésilienne l’empêche de rencontrer les joueurs durant les phases éliminatoires de la Coupe du monde 1994 de crainte qu’il ne leur porte malheur ; seul l’un de ses successeurs sur le terrain, en l’occurence Gilmar le double champion du monde (1958 et 1962), a le courage de briser cet interdit en 1999, deux ans avant la disparition de Barbosa, en lui déclarant qu’il a été le meilleur de tous les gardiens. Barbosa devint en fait le bouc émissaire idéal d’un pays et d’une équipe qui perdirent toutes notions des réalités au cours de ce mondial et plus encore lors de la rencontre avec l’Uruguay; il avait pourtant été désigné comme le meilleur gardien du tournoi par les journalistes présents au Brésil, mais rien n’y fit, il porta seul le déshonneur national, sa qualité de noir dans un pays gangréné par le racisme n’y étant probablement pas pour rien.
Les autres récits qui s’entrecroisent avec la vie de Barbosa évoquent tous un changement brusque du destin des protagonistes – en bien ou en mal – mais dans des domaines très différents et parfois à rebour. C’est cet indien d’Amazonie, échappant définitivement à ses poursuivants fazendeiros qui voulaient lui faire un mauvais sort comme au reste de sa famille, et qui pour la première fois, en ce 16 juillet 1950, se sent libre. C’est ce cireur de chaussure, Sicilien émigré au Brésil pour fuir la guerre en Europe, qui pensait gagner un peu d’argent à la sortie du Maracana et qui ne comprend pas la tristesse des Brésiliens pour une simple défaite; lui, supporter du grand Torino, dont la vie a basculé deux ans auparavant lorsqu’il apprît la catastrophe de Superga. Ce sont ces deux amis d’enfance, supporters de la Juventus, mais que, lycéens, la politique sépare et qui se retrouvent face à face en championnat universitaire, l’un arrétant le penalty de l’autre et qui ne se revirent plus jamais par la suite.
Et pour finir, c’est à un «Sogno » (Rêve) impossible que nous convie Pastorin, celui de la réparation d’une profonde injustice, celui de la réhabilitation ultime : donner le nom de Moacyr Barbosa au stade de Maracana.
Didier Rey
Université de Corte