Tempi supplementari. Partite vinte, partite perse
Darwin PASTORIN, Tempi supplementari. Partite vinte, partite perse, Milano, Universale Economica Feltrinelli, 2002, 142 pages.
Beaucoup d’émotion et d’humour dans ce recueil de textes de Darwin Pastorin qui, selon ses propres mots, aurait voulu être Garrincha et Anastasi, un peu Che Guevara et qui fut finalement chroniqueur sportif à Tuttosport.
Dans Tempi supplementari, c’est d’une certaine idée du football dont il est question « il calcio creativo è di sinistra e il calcio fatto soltanto di forza, di gioco sporco è di destra» (le football créatif est de gauche et le football fait seulement de force, de jeu pourri est de droite ; p.98) ; non sans nostalgie notamment pour l’Italie des années 1970, mais nullement passéiste. Bâti sur une structure qui évoque les différentes phases d’un match – y compris les prolongations, d’où le titre du livre –, l’ouvrage de Pastorin, à la manière d’Eduardo Galleano, nous entraîne dans le sillage de Pelé, de Maradona, de Platini ou de Gigi Riva mais aussi d’obscurs joueurs de série B et C italienne ou de footballeurs du dimanche ; sans oublier ses confrères journalistes des quatre coins du monde, et notamment son mentor auquel il rend un simple et touchant hommage; le tout à travers une quarantaine de petites histoires couvrant inégalement les années 1960-2001.
Mais, au-delà de cette approche qui pourrait sembler classique, Pastorin nous livre des réflexions où se mêlent de nombreuses expériences. Celles personnelles, notamment sur les rapports familiaux, par le biais de ce « un contre un » entre un père et son fils sur un terrain improvisé; historiques, lorsque il est question de Cesare Menotti en 1978, rappelant à ces joueurs qu’ils doivent gagner cette coupe du Monde pour leur peuple et non pour la dictature argentine; politiques, avec de belles pages sur l’exil et l’émigration, ceux d’hier et d’aujourd’hui notamment à travers le drame du Kossovo ; littéraires enfin. Un ouvrage où les noms de Karl Marx, de Guevara côtoient ceux de Jorge Amado, d’Hemingway, de Manuel Vasquez Montalban et croisent ceux de Garrincha, de Paolo Rossi ou de Ronaldo. Où l’on découvre un Claudio Gentile bouleversé à la lecture de ? l’ouest rien de nouveau d’E. M. Remarque ; l’émouvante revanche d’un jeune joueur brésilien, parti au Pérou, marquant pour son équipe le but qui lui offre le titre après avoir été stigmatisé et exclu par ses dirigeants pour sa séropositivité; ou encore le désarroi d’un jeune étudiant manquant un penalty décisif qui prend pour lui des allures de fin du monde. Mais aussi l’humour avec ce coup de téléphone vengeur d’un supporter du Torino à l’un de ses amis Juventino, au terme d’un match qui vit le Toro remonter trois buts à son ennemi de toujours : « Nel mondo ci sono due entità che combattono il male : i pomperi di New York e il Toro ! » (Dans le monde il y a deux entités qui combattent le mal : les pompiers de New York et le Toro !; p.104) ; sans oublier cette description amusante d’une équipe de football poste par poste du « numero 1 è il mato » (le numéro 1 est le « frappé ») au « numero 12 è il più triste » (le numéro 12 est le plus triste, pp.17-21). Bref, si l’on n’était pas encore convaincu que le football est une métaphore de la vie, Darwin Pastorin vient opportunément lever nos derniers doutes.
Didier Rey
Université de Corte