Histoire politique des Coupes du monde de football
Paul Dietschy, Yvan Gastaut, Stéphane Mourlane, Histoire politique des Coupes du monde de football, Paris, Vuibert, 2006.
Mobilisant les ?tats et les gouvernements pour son organisation, donnant à voir l’affrontement pacifié des nations et suscitant des élans de passion nationale, la grande compétition quadriennale est un objet historique éminemment politique. L’objet de cet ouvrage est de proposer, à partir des exemples les plus significatifs, une analyse du caractère politique de ces événements sportifs. L’appropriation politique des Coupes du monde ne relève pas seulement d’un projet de politique intérieure. Elle s’insère dans le jeu des relations internationales dont le sport est devenu un acteur de premier plan.
Paul Dietschy, Yvan Gastaut et Stéphane Mourlane, co-fondateurs de wearefootball, nous livrent, ici, un travail de grande qualité.
Extrait de l'introduction :
De l’omniprésence de Benito Mussolini pendant la Coupe du Monde organisée en Italie en 1934 au baiser de Jacques Chirac sur le crâne chauve de Fabien Barthez le 12 juillet 1998 au stade de France, la deuxième compétition sportive du monde, après les Jeux olympiques d’été en terme d’audiences télévisées, n’a jamais pu maintenir « la position de neutralité absolue et intransigeante » qu’aurait voulu respecter son créateur, la FIFA lors de sa fondation en1904. De fait, lorsque les dirigeants de la fédération internationale, en particulier les Français Jules Rimet et Henri Delaunay, décidèrent d’instaurer à partir de 1930 une Coupe du Monde rassemblant tous les quatre ans les meilleures équipes nationales, l’apolitisme n’était plus véritablement de mise. Pendant son premier quart de siècle, la FIFA avait été ainsi confrontée à la question de la reconnaissance des minorités nationales par le sport et dû faire face aux dissensions nées de la Grande Guerre. Surtout, en considérant le football comme un « propagateur de compréhension et de réconciliation entre les races », son président lui conférait une ambition qui dépassait le seul cadre sportif. Dès 1923, Maurice Pefferkorn ne soulignait-il pas dans les colonnes du Miroir des sports que Rimet manifestait de « l’esprit politique » dans sa démarche ? (…)
L’objet de cet ouvrage est donc, loin de faire une histoire exhaustive de l’ensemble des Coupes du Monde dans une perspective d’histoire globale et totale qui reste à écrire, de proposer, à partir des exemples parmi les plus significatifs, une analyse du caractère politique de ces événements sportifs. L’itinéraire emprunté n’a donc pas pour vocation de parcourir l’ensemble du phénomène dont la linéarité diachronique paraît d’ailleurs incertaine, compte tenu de l’évolution très séquencée de la politisation de la compétition phare du football.
Toute catégorisation serait privée de sens : la perméabilité de l’épreuve sportive au contexte politique ou diplomatique est en effet largement fonction des circonstances. Par conséquent, il a semblé préférable aux auteurs de faire des détours en fonction d’interrogations transversales sans chercher à englober l’ensemble des dix-sept Coupes du Monde qui se sont déroulées de 1930 à 2002. (…)
À cet égard, il convient de relever que les Coupes du Monde sont soumises aux grandes scansions de la vie internationale entre risque de guerre et espoir de paix. L’édition de 1938 s’inscrit ainsi dans le tumulte d’une situation internationale dégradée et sur laquelle plane le spectre d’une conflagration générale. La compétition ne joua d’ailleurs que peu de rôle dans le processus menant à la Seconde Guerre mondiale. Les intérêts politiques et stratégiques l’emportèrent sur les vertus pacificatrices présumés du football. La Coupe du Monde ne résista pas au conflit armé et s’interrompit. En revanche, on en fit par la suite le terrain d’affrontements ou de réconciliation pour des conflits délaissant le recours aux armes. De la rencontre RFA-RDA de 1974 à l’organisation conjointe de l’épreuve de 2002 confiée à la Corée du Sud et au Japon, en passant par le match Etats-Unis – Iran de 1998, l’ambiguïté demeure sur l’implication du ballon rond dans le champ diplomatique.
La dernière partie de l’analyse vient confirmer la porosité des Coupes du Monde de football aux grands enjeux internationaux. En effet, dans le cadre de la logique Nord-Sud qui succède progressivement au rapport de force entre l’Ouest et l’Est, elles ne manquent pas d’offrir une caisse de résonance aux aspirations des pays appartenant tout d’abord au tiers monde avant de s’engager sur la voie du développement. La figure de Pelé peut ainsi être considérée comme le symbole de l’émergence sur la scène internationale d’un pays, d’un continent et plus largement d’une population marginalisées. Certaines rencontres ont par ailleurs cristallisé ce phénomène avec un certain succès comme lors de l’Italie-Corée du Nord de 1966 ou l’Algérie-Allemagne de 1982. En revanche, le match Yougoslavie-Zaïre de 1974 témoigne tout à la fois de l’importance du football comme moyen d’affirmation internationale pour les pays du Sud et, en même temps, des limites de son usage.
Objet de célébrations nationales à l’ombre des dictatures mais aussi des démocraties, souvent entre guerre et paix, tribune pour les pays émergents, les Coupes du Monde montrent que la collusion entre politique et le football est indéniable.
Paul Dietschy, Yvan Gastaut, Stéphane Mourlane, Histoire politique des Coupes du monde de football, Paris, Vuibert, 2006.
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