Antoine Tremblay
Fondé en 1904, sur l’initiative de son directeur Louis Dorizon, le club athlétique de la Société Générale (C.A.S.G.) s’est imposé comme l’une des plus importantes sociétés omnisports françaises des années 1910 et 1920. Sa section de football contribua largement à sa renommée, remportant notamment deux Coupes de France en 1919 et 1925. Ce succès, elle le devait en partie à Antoine Tremblay, joueur et dirigeant dévoué du club entre 1911 et 1927.
Né à Paris en 1886, Antoine Tremblay est issu de la petite bourgeoisie. Son père est un employé de chemins de fer du PLM. Il fait ses études secondaires à Saint Nicolas du Chardonnet. C’est au cours de ces années, au sein des patronages, qu’il s’initie aux joies du ballon rond. Muni de son baccalauréat, il rentre en 1904 à la société de secours mutuels « La dotation de la jeunesse de France ». Dans le même temps, il s’affirme comme un joueur de football talentueux et rejoint le fameux Gallia Club, affilié à l’U.S.F.S.A.. Le responsable de la section football du CASG, Adrien Suard, lui offre en 1911 un emploi dans une agence parisienne à condition qu’il mette ses talents de joueur au service du club. Les banquiers ambitionnaient en effet de devenir le meilleur club de la capitale et se lançaient, dès les années 1910-1911, dans une politique de racolage pour attirer les meilleurs joueurs de la région parisienne. Ainsi, Tremblay fut recruté la même année que Auguste Trousselier, joueur de football au Racing et cycliste notoire puisqu’il remporta en 1907 la course Liège-Bastogne. Les deux nouvelles recrues s’imposèrent, avec l’international Jourda, comme les pièces maîtresse du CASG d’avant-guerre, remportant notamment le championnat de l’USFSA.
Cependant, les deux acolytes allaient connaître des destins différents. Alors que Tremblay échappait à la conscription pour une « déviance vertébrale » et n’était donc pas mobilisé en août 1914, Trousselier trouvait rapidement la mort au champ d’honneur. De fait, l’ancien joueur du Gallia encadra seul, à l’arrière, cette jeune génération qui allait éclore au cours de l’Entre-deux-guerres, notamment le futur international Chantrell qui participa en 1930 à la première coupe du monde en Uruguay. Avec elle, il remporta une coupe des Alliées. Dans le même temps, il dirigea la sélection parisienne au cours d’une rencontre contre une sélection fédérale.
Au lendemain du conflit, Tremblay mit un terme à sa carrière de joueur et se consacra qu’à ses seules fonctions de dirigeant. Possédant des réseaux importants dans le monde football et soutenu par la direction du CASG, il attira plusieurs internationaux français, tels les frères Mony, Bonnardel, ou bien encore Domergue, et des joueurs étrangers comme le tchèque Soïka. Fort de ses compétences, le club de la Société Générale remporta plusieurs trophées : deux coupes de France, une coupe de Paris, et s’invita régulièrement aux premières places du championnat de Paris. De même, il comptait des effectifs importants : 10 équipes seniors et 8 équipes de jeunes. Antoine Tremblay fut largement récompensé pour son dévouement et les résultats obtenus. En plus de promotions successives, il bénéficiait « d’indemnités diverses », c’est à dire de récompenses pécuniaires. En 1926, celle-ci s’élevèrent à 2800 francs par an, soit un peu plus d’un quart de son salaire perçu en qualité de chef des bureaux des agences de Paris. Son décès en 1928, à l’âge de 41 ans, fut souligné par la presse sportive et notamment L’Echo des sports. Sa disparition et les difficultés financières rencontrées par le club depuis 1927 poussèrent la direction à revoir sa stratégie et à faire du ballon rond un sport de seconde importance. De fait, la section déclina à la fin des années 1920 pour disparaître au cours de la saison 1937-1938.
Xavier Breuil
Université d'Orléans