Bastia-Eindhoven
Lorsque, le 26 avril 1978, les joueurs bastiais pénètrent sur le terrain du stade de Furiani afin d’y affronter – en finale aller de la Coupe de l’UEFA –, les Hollandais du PSV Eindhoven (0-0), cela représente l’aboutissement d’une saison sportive en tout point remarquable. En effet, nul cette année là sur le Vieux Continent n’a fait aussi bien que les Insulaires avec sept succès successifs pour leurs sept premières rencontres, dont une fameuse victoire au Stadio Comunale de Turin (3-2) et une retentissante correction infligée aux Allemands de l’Est de Jena (7-2) en quart de finale aller ; seul Münchengladbach avait fait mieux en triomphant à neuf reprises en 1975. Pour un club aux moyens limités comme le SECB, la performance n’en est que plus remarquable. Désormais, dans l’Hexagone, le club bastiais devient – provisoirement il est vrai – une référence, tant pour la qualité de son jeu que pour la sportivité de son public.
Cette situation a un goût de revanche non dissimulée pour les Corses. En effet, le Sporting n’a pas toujours eu une image positive dans les médias nationaux. Trop souvent les équipes insulaires ont été montrées du doigt pour leur jeu frustre, brutal et pour la mauvaise réputation de leur public ; ce dernier maintes fois accusé de faire régner une ambiance détestable dans les tribunes, d’être toujours prêt à en découdre avec les joueurs adverses et plus encore avec les arbitres. Nombre de décisions des instances nationales, quelques fois pour le moins partiales, ont été très mal ressenties dans l’Île, développant un fort sentiment de victimisme.
Enfin, et c’est là la dernière dimension incontournable de cette finale – et au-delà de cette épopée européenne – sa dimension politique et identitaire. Quelques mois seulement après la naissance du FLNC, dans un climat politique très tendu sur fond d’attentats et d’arrestations, l’aventure du club bastiais pouvait être interprétée par la très grande majorité des Corses comme un symbole de dignité retrouvée ; la preuve de l’existence d’une communauté capable de générer le meilleur et de dépasser ses clivages dans des circonstances exceptionnelles. Ce sentiment de « cohésion nationale » et d’affirmation identitaire – comme en témoigne l’écusson à tête de Maure cousu sur le maillot des joueurs – va de paire avec une vision ouverte de l’appartenance au peuple corse. L’équipe bastiaise, dont la moitié des joueurs n’est pas originaire de l’île, représente à sa manière une nouvelle communauté corse où les différences se trouvent dépassées et transcendées par une communauté de destin.
Ainsi s’explique probablement l’importance de cette rencontre aux aspects multiples et complexes et le fait, qu’aujourd’hui encore, on ne peut revoir les images de cet événement en faisant abstraction du contexte si particulier de la Corse de la fin des années 1970.
Didier Rey
Université de Corte
La finale :
26 avril 1978
A Furiani, SECB - PSV Eindhoven : 0-0. 14000 spectateurs.
Arbitre : M. Maksimovic (Yougoslavie).
SECB : Hiard - Cazes - Orlanducci - Guesdon - Burkhard - Lacuesta (Felix) - Larios - Papi - Rep - Krimau - Mariot.
9 mai 1978
A Eindhoven, PSV Eindhoven - SECB : 3-0 (mi-temps 1-0). 27000 spectateurs.
Arbitre : M. Rainea (Roumanie).
Buts : Willy Van de Kerkhof (24è) Dyckers (65e) Van der Kuylen (67è) pour Eindhoven.
SECB : Hiard (Weller) - Marchioni - Orlanducci - Guesdon - Cazes - Lacuesta - Larios